Au Au commencement était le mot
 

1.  La relation homosexuelle est un problème complexe qui  a un rapport non seulement avec le code éthique courant, mais aussi avec l´Évangile. D´emblée, surgissent des questions diverses. Existe-t-il un code éthique courant à ce sujet ? Quelle position adopte l´Évangile ? Quelle relation existe-t-il entre code éthique courant et Évangile ? Dans notre société plurielle, la relation homosexuelle suscite des réactions variées : c´est une aberration, c´est un orgueil, c´est quelquechose qui est contre-nature, c´est naturel, c´est une déviation, c´est une option, c´est une maladie, ce n´est pas une maladie, on doit punir, on doit tolérer, c´est une question de guérison, c´est une question de conversion, elle doit être acceptée dans la communauté chrétienne, elle doit y être rejetée.

2.  La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans un document sur la reconnaissance légale des unions entre personnes homosexuelles, signale trois niveaux différents : la tolérance du phénomène, la reconnaissance légale de telles unions, et la considération de l´équivalence légale entre les unions de personnes du même sexe et le mariage, sans en exclure la reconnaissance de la capacité juridique à adopter des enfants. Les homosexuels peuvent toujours avoir recours à «  la reconnaissance effective des droits communs qu´ils ont en tant que personnes et en tant que citoyens », mais « cela constituerait une grave injustice que de sacrifier le bien commun et le droit de la famille dans le but d´obtenir des biens qui peuvent et doivent être garantis par des voies qui ne portent aucun préjucice au corps social dans son ensemble », « octroyer le suffrage de son propre vote à texte législatif si nuisible au bien commun de la société constitue un acte gravement immoral ».  

3.  De plus, la question a une dimension oecuménique. Gene Robinson, le premier prélat à avoir déclaré publiquement son homosexualité, est le nouvel évêque anglican du New Hampshire.  Son élection a été confirmée par la Convention Nationale des Évêques de l´Église Anglicane  des États-Unis le 5 août 2003. Il existe un risque de schisme.

4.  Considérons quelques données historiques. Dans la Rome impériale, les homosexuels sont une minorité, mais la société fait preuve de tolérance. On connaît des relations homosexuelles permanentes et exclusives. Le commencement des actions légales contre la conduite homosexuelle peut être située au IIIº siècle a. J.C., époque à laquelle sont approuvées des lois qui régulent différents aspects des relations homosexuelles, comme peuvent l´être le viol de mineurs ou le mariage entre personnes du même sexe. Les conduites homosexuelles qui n´entrent pas dans le domaine couvert par les lois concrètes en question continuent à rester dans la légalité jusqu´au VIº siècle ; c´est alors que le droit romain interdit tout type de relation homosexuelle.

5.  Jusqu´à il y a relativement peu de temps, dans la majorité des pays européens, l´homosexualité était considérée comme un danger social et elle était châtiée en tant que délit. On poursuivait davantage l´homosexualité masculine que l´homosexualité féminine. C´est cependant au XXº siècle que le phénomène a été peu à peu mieux connu et que l´homosexualité a été mieux comprise. Dans notre société plurielle , démocratique et tolérante, la personne homosexuelle n´est pas discriminée au regard de la loi en fonction de son orientation sexuelle.

6.  Seulement une minorité de la population  est homosexuelle. Et pourtant, il existe un nombre bien supérieur de personnes qui, à un moment déterminé de leur vie, se découvrent des tendances ou ont des expériences de type homosexuel. On distingue les tendances homosexuelles et le comportement de type homosexuel. On distingue aussi  l´homosexualité primaire (irréversible) et la bisexualité. Le terme bisexualité indique une structure ambivalente de la sexualité avec des tendances aussi bien homosexuelles qu´hétérosexuelles. La domination de l´une ou de l´autre peut varier tout au long des différentes périodes de la vie ; on peut voir aussi se fixer une ou forme ou l´autre de la sexualité. On distingue aussi entre homosexualité persistante et transitoire. En sont des exemples sa présence pendant l´adolescence sans qu´elle ait de suites, ou encore entre des jeunes ou des adultes qui vivent pendant des années dans des cadres fermés dans lesquels ils n´ont de contact qu´avec des personnes du même sexe.

7.  En 1968, l´Association Américaine de Psychiatrie considérait l´homosexualité comme un désordre de la personnalité. Et cependant, la pression de différents professionnels et, surtout, celle de plusieurs associations d´homosexuels américains ont obtenu, non sans controverse, qu´en 1980, on cesse de la considérer ainsi ; on réserve la catégorie d´homosexualité égodistonique aux personnes chez lesquelles elle crée un malaise profond et continu. En 1987, un nouveau pas a été franchi en éliminant même le terme cité comme diagnostic possible. La seule mention qui apparaisse dans les manuels est l´inclusion, parmi d´autres exemples de problèmes sexuels non typifiés, du « malaise clair et persistant en référence à la propre orientation sexuelle de l´individu », sans que  soit spécifié si ce malaise provient d´une orientation hétéro, homo ou bisexuelle.

8.  Le professeur de Psychiatrie à l´Université de New-York, Luis Rojas, écrit ce qui suit : « La cause exacte de l´homosexualité reste encore inconnue. Et tous les jours, cependant, plus d´études scientifiques confirment qu´il s´agit d´une variation innée des mécanismes biologiques et psychologiques qui modulent l´attraction romantique qui s´exerce entre personnes adultes, ce qui ferait que cette notion reste hors du contrôle de  l´individu lui-même. Concrètement, l´orientation sexuelle semble se déterminer dans le cerveau du foetus pendant la gestation, à partir d´hormones sexuelles androgènes et oestrogènes. Ce que nous savons donc, avec certitude, c´est que l´homosexualité n´est pas une maladie, n´est pas quelquechose de contagieux, n´est pas un vice, n´est pas la conséquence de tendances antisociales, et qu´elle n´est pas non plus le résultat de séquelles laissées par des parents incompétents ni celui d´une enfance traumatisante » (Journal El País, 18-10-2003).

9.  Examinons ce que dit le moraliste Bernard Häring dans le Diccionnaire de Théologie Morale (1973) : « Si nous partons d´une perspective globale du concept de santé et de normalité, nous nous sentons enclins à soutenir que la fixation homosexuelle doit être considérée comme une situation anormale qu´il est nécessaire de soigner dans la mesure du possible. L´homosexualité, ainsi que tout autre déviation sexuelle, dans la mesure où elles empêchent la personnalité de trouver sa plénitude dans l´amour conjugal ou dans une vie de célibat équilibrée, constitue une grave entrave et un obstacle au développement et à la jouissance normaux. Le simple fait qu´un homosexuel veuille le rester ne constitue pas une preuve que, dans son cas, il ne s´agisse pas d´une maladie, car nombreux sont les malades qui ne souhaitent pas être guéris de leur mal ».

10.  La Congrégation pour la Doctrine de la Foi affirme ce qui suit, dans sa Déclaration sur certaines questions relatives à l´éthique sexuelle (1975) : « Au plan pastoral, il convient de traiter ces homosexuels avec compréhension, de les encourager à dépasser leurs difficultés personnelles et leur incapacité à s´intégrer dans la société. Leur degré de culpabilité devra être jujé avec prudence. Mais il n´est possible d´appliquer aucune méthode pastorale qui pourrait justifier moralement de tels comportements en partant du principe qu´ils seraient de l´ordre de la condition de ces personnes » (n.8).

11. Le Catéchisme de l´Église Catholique spécifie : « L´homosexualité désigne les relations entre hommes et femmes qui expérimentent une attraction sexuelle, exclusive et prédominante, à l´égard de personnes du même sexe. Elle revèt des formes très variées à travers les siècles et les cultures. Son origine psychique reste pratiquement inconnue. En s´appuyant sur la Sainte Écriture qui les présente comme des dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que les actes homosexuels sont intrinsèquement des désordres » (n. 2357).

12.  Et maintenant, que dit la Bible ? Dans l´Ancien Testament, on dénonce le péché de Sodome -bien qu´il faille préciser qu´il s´agisse d´un cas particulier- la sodomisation que les habitants de la ville font subir aux hôtes de Lot (Gn 19,4-5). La relation homosexuelle est interdite dans le Lévitique : Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C´est une abomination (Lv 18,22) ; elle est punie par la mort (20,13). Dans l´Évangile, cette question n´est pas directement abordée. Plusieurs passages se réfèrent au péché de Sodome (Mt 10,15 ;11,23-24 ;voir 2 P2,6-8 ;Jdt 6-7) et aux cas d´union illégale interdits par la Loi, l´homosexualité étant l´un d´eux (Mt 19,9 ;5,32 ; Ac 15,20.29 ;Lv 18).

12.  Au-milieu de l´atmosphère de corruption qui règne dans le port de Corinthe, Saint Paul dénonce l´attitude de ceux qui disent : « Tout m´est permis » : Ne vous y trompez pas ! Ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les dépravés, ni les homosexuels (masculorum concubitorum), ni les voleurs, ni les cupides, pas plus que les ivrognes, les diffamateurs ou les rapaces, n´hériteront du Royaume deDieu 1 Co 6,9-10 :1 Tim 1,10). Et dans l´atmosphère plurielle de la société romaine, Saint Paul dénonce la déviation d´un monde qui s´écarte du vrai Dieu et qui, non seulement pratique, mais aussi exalte l´homosexualité : Aussi Dieu les a-t-il livrés selon les convoitises de leur coeur à une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps ; eux qui ont échangé la vérité de Dieu contre un faux dieu, adoré et servi la créature de préférence au Créateur... Aussi Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes. Car leurs femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature ; pareillement les hommes, délaissant l´usage naturel de la femme, ont brûlé de désir les uns pour les autres, perpétrant l´infâmie d´homme à homme et recevant en leur personne l´inévitable salaire de leur égarement (Rm 1,24-27).

13.  La sexualité est l´un des facteurs qui marquent la personnalité humaine ; elle constitue les personnes en tant qu´hommes et que femmes, et elle a une influence décisive sur leur évolution individuelle comme sur leur insertion sociale. Comme le dit l´Écriture,  homme et femme il les créa (Gn 1,27). Dans la Bible, la différence sexuelle de l´homme et de la femme apparaît liée à deux fonctions fondamentales. En premier lieu, l´aide mutuelle, destinée à compenser la solitude humaine : Il n´est pas bon que l´homme soit seul. Je vais lui donner une compagne qui lui soit assortie (Gn 2,18). Et en deuxième lieu, la fécondité, orientée vers la transmission de la vie : Croissez et multipliez-vous (1,18).

15.  Dans l´Évangile, Jésus renvoie au projet initial de Dieu : L´homme laissera son père et sa mère et il s´unira à sa femme, et les deux ne feront plus qu´une seule chair (Mt 19,5). Jésus supprime les concessions faites par Moïse : Je vous le dis, quiconque répudie sa femme –je ne parle pas d´union illégale- et en épouse une autre, celui-là commet un adultère (Mt 19,9 ; voir Mt 5,32 et Lc 16,18). L´expression union illégale (en grec porneïa) se réfère aux unions interdites par la Loi, l´une d´elle étant l´union homosexuelle (Lv 18,20).Les disciples perçoivent parfaitement la position de Jésus, et ils la vivent comme quelquechose qui les dépasse (Mt 19,10). Jésus leur laisse entendre que c´est un cadeau de Dieu (19,11). Il existe des situations plus exigeantes encore : il y a ceux qui renoncent à la vie conjugale pour l´Évangile (19,12).

16.  Selon le projet de Dieu à l´origine, l´homosexualité constitue une déviation, un désordre profond de l´orientation sexuelle, en ce qu´il se réfère à des personnes du même sexe. Son origine reste obscure. Plusieurs facteurs peuvent intervenir : le manque de normalité dans l´évolution sexuelle, le retard dans le développement évolutif de la personnalité, des conditionnements physiques, psychiques, familiaux, éducatifs ou sociaux, des habitudes acquises. La personne homosexuelle ne doit pas être légalement discriminée. Dans la valoration morale, on tiendra compte du type de conditionnement : certaines personnes naissent ainsi, mais d´autres le deviennent. Par elles-mêmes, ou à cause d´autres encore. La personne homosexuelle doit être accueillie avec compréhension et appuyée dans son espoir de dépasser ses difficultés. Sa responsabilité personnelle doit être jujée avec prudence.

*Dialogue sur la relation homosexuelle :

- c´est une aberration / c´est un orgueil

- c´est contre nature / c´est naturel

- selon le projet de Dieu, c´est une déviation / c´est une option

- elle peut être soignée / elle ne peut pas être soignée

- elle doit être punie / elle doit être tolérée

- elle doit être acceptée dans la communauté chrétienne / elle doit être exclue

- il y a des cas qui naissent ainsi / d´autres qui le deviennent  ou que l´on fait devenir ainsi

- c´est une question de guérison / c´est une question de conversion

- la personne homosexuelle ne doit pas être discriminée du point de vue légal

- la personne homosexuelle doit être accueillie avec compréhension

- sa responsabilité personnelle doit être jujée avec prudence