Au Au commencement était le mot
 
ALLIANCE
Quitte ton pays

1.  Les grandes expériences bibliques conduisent à la rencontre avec le Christ. Elles lui rendent témoignage: “Vous scrutez les Écritures parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle, dit Jésus aux Juifs; et ce sont elles qui me rendent témoignage” (Jn 5,39). C´est pour cela que nous allons à la rencontre du Christ par les chemins du Dieu Vivant. En effet, dit le Concile, “Dieu s´est révélé peu à peu à son peuple, en paroles et en actions, en tant que Dieu vivant et vrai. De cette manière, Israël a progressivement fait l´expérience de la manière d´agir de Dieu” (DV 14); et cela est valable aussi pour aujourd´hui, car “tout ce qui a été écrit dans le passé l´a été pour notre instruction” (Rm 15,4). Nous allons voir l´expérience de l´Alliance.
2.  Dans le cadre général d´une humanité dispersée (Gn 3-11), penchons-nous sur les origines d´Israël (12-50). Une émigration est le commencement d´une immense aventure; et pas seulemnt celle du peuple choisi, mais aussi celle de tous ceux qui s´asseyent à la table d´Abraham, d´Isaac et de Jacob (Mt 8,11).  Quand Abraham quitte Ur en Chaldée, naît une nouvelle religion: la religion de l´Alliance. L´homme se trouve en relation avec Dieu, en dialogue avec lui, il écoute le bruit des pas de Dieu dans le jardin de ce monde (Gn3,8). Cette expérience biblique fondamentale s´exprime par la formule habituelle de l´alliance: Dieu “est avec nous” (Ex 3,14;Mt 28,20).
3.  En situation d´alliance, Abraham fait l´expérience de l´action de Dieu dans l´histoire. Dieu assume son destin: “Quitte ton pays pour le pays que je t´ indiquerai” (Gn 12,1). Abraham abandonne ses racines qui s´entrelacent avec celles de l´humanité dispersée de Babel, le nom hébreu de Babylone (Gn 11); il surmonte la tentation radicale (“vous serez comme des dieux”) avec les répercussions qu´elle implique au niveau de la famille, du travail, de la mort (Gn 3). Abraham écoute la parole de Dieu, et il quitte son pays, son peuple, sa parenté ; il renonce à la sécurité que ceux-ci lui offrent, mais son départ suppose une libération. Avec lui commence un peuple nouveau et ce peuple naît de la main de Dieu. Comme aux origines.
4.  La figure d´Abraham (environ  1 800 ans av. J. C.) s´inscrit dans un cadre histoirique que nous connaissons. Son nom, ses coutumes, sa façon de vivre se situent dans le contexte des migrations araméennes de Mésopotamie, la terre de Babel. Abraham suit la route des caravanes qui recherchent des pâturages pour leur bétail: ce sont des nomades; peut-être cherchent-ils à s´établir sur des terres cultivables. Ils ne savent ni lire ni écrire, mais ils transmettent à leurs enfants et petits-enfants l´expérience familiale; les récits sont faciles à retenir car ils sont reliés à des lieux que la caravane retrouve au cours de ses déplacements: la chênaie, la montagne, le puits, la steppe.
5.  La tradition d´Abraham regroupe des expériences diverses, comme celle qui suit, par exemple. Abraham et son neveu Lot, à cause de l´augmentation du nombre de leurs bêtes, ont des problèmes d´espace et des problèmes de relation; et-ce, au point de devoir se séparer: ”Qu´il n´y ait pas de discorde entre moi et toi, entre mes bergers et les tiens, car nous sommes des frères. Tout le pays ne s´étend-t-il pas devant toi? Sépare-toi de moi. Si tu prends la gauche, moi j´irai à droite; si tu prends la droite, moi j´irai à gauche” (Gn 13,8-9). Abraham donne à Lot la possibilité de choisir la zone qu´il préfère. Lot prend celle qui est (apparemment) la meilleure: la vallée du Jourdain, la terre de Sodome, fertile comme le jardin de Dieu; et Abraham garde la terre qu´il n´a pas choisie, mais que Dieu a élue pour lui. Et nous: sommes-nous dans la terre que Dieu a choisie pour nous?
6.  La rencontre d´Abraham et de Melchisédech a un profond sens religieux et une dimension oecuménique. De plus, elle nous met en présence d´un modèle de sacerdoce qui n´est pas précisément lévitique. Melchisédech, roi de Salem et prêtre du Dieu Très-Haut, perçoit l´action de Dieu dans l´histoire en faveur d´Abraham. Il lui offre le pain et le vin comme geste d´hospitalité, et il le bénit en disant:” Beni soit Abraham par le Dieu Très- Haut qui créa ciel et terre, et béni soit le Dieu Très-Haut qui a livré tes ennemis entre tes mains.” (14,19). Le sacerdoce nouveau du Christ selon l´ordre de Melchisédech (Ps 110) aura en lui sa référence: ”Tu n´as voulu  ni holocaustes ni victimes, alors j´ai dit: Voici, je viens (...) pour faire ta volonté” (Ps 40; Hb 10,5-7).
7.  Dans la chênaie de Mambré, au plus chaud de l´après-midi, Abraham est assis devant sa tente. Il lève les yeux et voit des voyageurs arrêtés à ses côtés. Les voyageurs sont au nombre de trois (18,2), puis ils sont deux (19,1). Ce n´est pas que le texte soit peu sûr, comme le disent certains. Mais c´est que l´un d´eux est Dieu, le voyageur principal (18,3.10.13 et 17-32). Il se produit là ce que nous chantons: “Quand nous appelons “frère” l´étranger, Dieu est en chemin avec nous”. Abraham perçoit entre les voyageurs la présence du Seigneur qui est en chemin avec eux. Et il l´exprime ainsi:”Mon Seigneur, je t´en prie, veuille ne pas passer près de ton serviteur sans t´arrêter” (18,3). Il les accueille, il leur offre de quoi manger, il parle avec eux. Le Seigneur dit: ”Je reviendrai sans faute te voir, l´an prochain; alors, ta femme Sara aura un fils” (18,10); finalement, le Seigneur disparaît (18,33) et les deux autres voyageurs, continuant leur chemin, arrivent à Sodome. Lot les accueille dans sa maison et eux lui transmettent un message: ”Ne regarde pas derrière toi et ne t´arrête nulle part dans la Plaine. Sauve-toi à la montagne” (19,17). Les étrangers doivent être respectés, mais les habitants de Sodome les agressent. La zone qu´a élue Lot, de type volcanique, est complètement carbonisée. Lot échappe à la catastrophe, mais sa femme, elle, regarde en arrière et est convertie en statue de sel (19,26).
8.  Un problème familial se présente: selon les abus et coutumes de l´époque, Abraham pouvait avoir deux épouses; celle qui est libre, Sara, et celle qui est la servante, Agar. La parole de Dieu assume le désir de Sara et Abraham doit faire ce que dit sa femme:”Renvoie cette servante et son fils” (21,10). Abraham le regrettant beaucoup, Dieu lui dit: ”Ne te chagrine pas pour cette servante ni pour le petit. Tout ce que demande Sara, accorde-le (...). Du fils de la servante aussi je ferai une grande nation, car il est de ta race” (21,12-13).
9.  Dans le passage du mont Moria, Abraham est disposé à commettre une barbarie, chaque époque a les siennes: sacrifier son propre fils si Dieu le lui demande. Abraham, voyant alors un bélier prisonnier des ronces, le sacrifie à la place de son fils (22,13); et cet endroit, il ne l´oubliera pas, il le nomme “Dieu pourvoit” (22,14). Sa promesse, Dieu la confirme: “Je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que les grains de sable qui sont sur le bord de la mer” (22, 16-17). Sa disponibilité est totale, comme celle d´Albino Luciani; celui-ci, ayant passé quelques jours au monastère de Vedana avant d´être ordonné, répondit ainsi au prieur qui lui avait demandé ce qu´il attendait, le surlendemain, lorsqu´il  serait devenu prêtre de Dieu: ”Rien, dit Luciani, je m´abandonne à sa volonté: lui fera de moi ce qu´il voudra”. Et de lui dire le prieur:” Seulement si ton abandon est total, le Seigneur fera en toi de grandes choses. C´est dans l´abandon et dans la disponibilité totale à Dieu que tu te connaîtras toi-même; ton identité est un fait mystérieux, qui puise ses racines dans le coeur du Christ Seigneur qui t´a choisi” (Bassotto, 55).
10. Les médiations de Dieu sont très diverses; lorsqu´Abraham veut chercher une épouse pour son fils parmi les filles de sa propre terre, il y envoie son serviteur. Celui-ci, qui s´est rendu en Mésopotamie, à la ville d´où est originaire la famille, rencontre Rebecca alors qu´il venait d´adresser à Dieu cette prière: ”Je me tiens à côté du puits, à l´heure où les filles de la ville sortent pour puiser de l´eau. Voilà; la jeune fille à laquelle j´aurai dit: “Incline, s´il te plaît, ta cruche, pour que je boive” et qui me répondra: “Bois, et je vais aussi abreuver tes chameaux”, ce sera celle que tu as destinée à ton serviteur Isaac” (Gn 24,13-14).
11. Le songe de Jacob est un récit important. Jacob s´arrête dans un lieu appelé Betel (maison de Dieu) où, surpris par la nuit, il dispose une pierre pour la mettre sous sa tête. Il a alors un songe, dans lequel il voit une échelle –des escaliers comme ceux d´ un temple- dont les pieds s´appuient sur le sol et dont le sommet touche le ciel. Tandis que des messagers montent et descendent, le Seigneur est là, tout en haut, et la voix entendue dans le songe dit:” La terre sur laquelle tu es allongé, je te la donnerai à toi et à ta descendance” (Gn 28,13). Le songe de Jacob se réalise en Christ, véritable temple de Dieu:” Vous verrez le ciel ouvert et les anges du ciel monter et descendre au-dessus du Fils de l´homme” (Jn 1,51;2,21). En lui sont bénies toutes les races de la terre (Ps 72,17).
12. Le Dieu d´Abraham, d´Isaac et de Jacob, dit Jésus, n´est pas un Dieu de morts, mais un Dieu de vivants; pour lui, tous sont vivants. Les Saducéens ne croient pas que les morts ressuscitent et présentent l´objection de la femme qui se marie sept fois de suite: de qui sera-t-elle la femme, dans la résurrection?. “À la résurrection d´entre les morts, dit Jésus, ni les hommes ne prennent femme, ni les femmes ne prennent mari; aussi bien ne peuvent-ils plus mourir car ils sont pareils aux anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. Et que les morts ressuscitent, Moïse l´a aussi donné à entendre dans le passage du Buisson, quand il appelle le Seigneur le Dieu d´Abraham, le Dieu d´Isaac et le Dieu de Jacob. Car il n´est pas un Dieu de morts, mais un Dieu de vivants; tous en effet vivent pour lui”(Lc 20,35-38).
13. Les Saducéens sont dans l´erreur car ils ne comprennent ni les Écritures ni le pouvoir de Dieu (Mt 22,29); et Jésus précise que c´est ce que, déjà, Moïse indique, lorsqu´il appelle le Seigneur: “le Dieu d´Abraham, le Dieu d´Isaac et le Dieu de Jacob” (Ex 3,6). Qu´il est un Dieu de vivants: Jésus associe la connaissance du Dieu vivant à l´expérience de la résurrection; les gens sont stupéfaits. Il ne s´agit pas seulemnt de l´immortalité de l´âme; c´est une nouvelle création qui est en train de naître maintenant même: “L´heure vient,-et c´est maintenant- où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l´auront entendue vivront” (Jn 5,25); “ce que l´oeil n´a pas vu, ce que l´oreille n´a pas entendu, ce qui n´est pas monté au coeur de l´homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l´aiment” (1 Co; 2,9); “les justes jujeront les nations” (Sg 3,8); “ils resplendiront comme des étoiles pour toute l´éternité” (Dn 12,3); “le Seigneur prend entre ses mains notre destin” (Ps 126): dans la mort aussi.
14. Ce qui est important, ce n´est pas ce dont nous héritons naturellement, mais la foi et la conversion. Jean le Baptiste le dit ainsi:” N´allez pas croire qu´il vous suffise de dire en vous-mêmes:  Nous avons pour père Abraham; car, je vous le dis, Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham” (Mt 3,9). Et Jésus dit quelquechose d´approchant:” Si vraiment vous étiez enfants d´Abraham, vous feriez les oeuvres d´Abraham” (Jn 8,39). Paul affirme que le peuple des croyants naît de la foi d´Abraham: “Notre père à tous, comme le dit l´Écriture –Je t´ai établi père d´une multitude de nations-; notre père à nous, devant Celui en qui il a cru, le Dieu qui donne la vie aux morts et qui appelle les choses qui ne sont pas à exister” (Rm 4,16-17).
15. Alliance signifie amour de Dieu pour les hommes:” Dieu nous a aimés le premier” (1 Jn 4,19); c´est l´amour de Dieu qui précède. Alliance signifie aussi amour des hommes pour Dieu; l´amour pour Dieu est le premier commandement et le principal (Dt 6,4-9). Les Pharisiens, qui soupçonnent Jésus de mettre l´accent sur le deuxième commandement et de laisser de côté le premier, lui posent cette question pour le mettre à l´épreuve: “Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi?” (Mt 22,36). Et Jésus de répondre:” Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le plus grand et le premier commandement. Et le second lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les prophètes” (Mt 22,34-40).
16. Il est vrai que lorsque le jeune homme riche s´approche de Jésus pour lui demander ce qu´il doit faire pour recevoir la vie éternelle en héritage, Jésus répond: “Tu connais les commandements”, et il lui cite ceux qui se réfèrent au prochain: “Tu ne commettras pas d´adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, tu honoreras ton père et ta mère” (Lc 18,20). Les Pharisiens accusent Jésus de faire des gérisons le jour du sabbat (Mt 12,14), et ses disciples de faire ce qui n´est pas permis le jour du sabbat. Mais en réalité, dit Jésus, ils ne comprennent pas ce que signifie: “C´est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice” (Mt 12,1-14).
• Dialogue: Vivons-nous l´expérience de l´Alliance?
- Nous écoutons la parole de Dieu dans les circonstances ordinaires de la vie
- Nous quittons notre pays, notre peuple, notre groupe d´apparteneance
- Nous recevons un peuple, une terre, une promesse
- Nous avons des souvenirs en rapport avec la chênaie, la montagne, la steppe
- Nous comprenons les Écritures et le pouvoir de Dieu: il n´est pas un Dieu de morts, mais de vivants
- C´est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice.