Au Au commencement était le mot
 

1.      Depuis le début, l´Eglise naissante a eu, comme point de référence fondamental, ce que Jésus a fait, ce qu´il a dit, c´est à dire son enseignement, son action, sa mission. C´est ce que nous faisons aujourd´hui, si nous faisons nôtre la mission-même de Jésus, si nous écoutons, en considérant qu´elle s´adresse à nous, la parole du Seigneur Ressuscité qui nous dit: Comme le Père m´a envoyé, moi-aussi  je vous envoie (Jn 20,21). Nous pouvons nous demander s´il en est vraiment ainsi.

2.      Comme le dit Pierre chez Cornelius, tout a commencé en Galilée (Ac 10,37). Les commencements s´enracinent dans le fait suivant: le baptême de Jésus, baptême- modèle pour tous les croyants à venir. Le baptême manifeste la relation du Père avec Jésus. Les cieux s´ouvrent, les cieux rompent leur silence, et l´on entend cette Parole: C´est toi mon fils bien-aimé, tu as toute ma faveur (Mc 1,11). Ici est évoquée, et dépassée, la figure du Serviteur de Yahvé: Voici mon Serviteur..., mon Elu, en qui mon âme se complaît (Is 42,1). La parole devient vivante par l´action de l´esprit de Dieu, et naît un homme nouveau, un monde nouveau: il vit se déchirer les cieux, et l´esprit, comme une colombe, descendre vers lui (Mc 1,10). Et s´accomplit pleinement ce qui est dit du Serviteur: Sur lui repose mon esprit (Is 42,1). Ce baptême dans l´esprit assume et dépasse le baptême de Jean. Jean baptise dans l´eau pour la conversion, Jésus baptise dans l´esprit saint et dans le feu (Mt 3,11), dans l´eau et dans l´esprit (Jn 3,5).

3.      Dépassant toute tentation allant à l´encontre sa propre mission, (Mt 4,1-11), au-moment où Jean est arrêté, Jésus commence sa prédication en Galilée, de l´autre côté du Jourdain, la Galilée des païens. Son message est le suivant: Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 4,17; cf. Is 52,7). L´annonce faite par Jésus fait irruption dans un monde enchaîné, en proie à l´obscutité et au besoin de libération: le peuple qui habitait dans les ténèbres vit une grande lumière (Mt 4,16). Jésus annonce l´action de Dieu, et il appelle à la conversion. Ceci étant dit, le message de Jésus (qui constitue un défi) s´introduit dans un monde dans lequel, de façon évidente, règne l´expérience contraire. Le monde n´a pas besoin de Dieu, il ne reconnaît pas son action dans l´histoire, et il ne croit pas possible (ou pas nécessaire) la conversion.

4.      Continuellement en déplacement, à l´air libre (Mt 5,2), de passage dans les maisons  (Mc 2,1), dans les synagogues (1,21), ou dans le Temple (Lc 19,47), Jésus n´a pas d´autre force que le grain qu´il sème et qui prend racine dans la terre (Mt 13,3-9.18-23), la Parole qui s´accomplit dans l´histoire: Dieu parle, Dieu agit. Le Royaume arrive quand la Parole de Dieu s´adresse aux hommes. La Parole croît sans que l´on sache comment, par son propre pouvoir (Mc 4,26-29). Elle fait fermenter et lever le monde, comme le fait la levure introduite dans la masse (Mt 13,33). Jésus fait sentir sans détour à tout homme qui s´approche de lui avec un coeur sincère la proximité de Dieu. Les disciples en sont témoins. Jésus leur dit: Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez! (Lc 10,23-24). Jésus porte en lui-même le Royaume de Dieu. Et cela donne à sa personne une autorité sans égale: les gens étaient frappés de son enseignement, car il les enseignait en homme qui a autorité, et non comme leurs scribes (Mt 7,28-29).

5.      Avec son appel à la conversion, Jésus nous met en présence du Dieu vivant: Non seulement tu n´auras pas d´autres dieux (Deut 5,7), mais aussi tu chercheras par-dessus tout le royaume de Dieu et sa justice (Mt 6,33). Non seulement tu ne jureras pas mensongèrement (Deut 5,11), mais encore tu ne jureras pas du tout  (Mt 5,33-34). Non seulement tu respecteras la loi du sabbat (Deut 5,12-15), mais encore le sabbat a été fait pour l´homme (Mc 2,27), et tu t´alimenteras du  pain de vie (Jn 6,35-51). Non seulement tu honoreras ton père et ta mère (Deut 5,16), mais encore ceux qui écoutent la Parole de Dieu seront ta famille (Mc 3,31-35). Non seulement tu ne tueras pas (Deut 5,17), mais encore tu aimeras ton ennemi (Mt 5,43-46). Non seulement tu ne commettras pas d´adultère (Deut 5,18) ni ne forniqueras (Sir 41,17) ni ne désireras la femme de ton prochain (Deut 5,21), mais encore tu seras fidèle de tout ton coeur (Mt 5,27-30). Non seulement tu ne voleras pas (Deut 5,19) ni n´envieras les biens des autres (5,21), mais encore tu partageras tes propres biens (Lc 19,8-10). Non seulement tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain (Deut 5,20) ni ne mentiras (Pro 12,22), mais encore tu lui trouveras des excuses, tu lui pardonneras (Mt 18,21-22), et tu chemineras dans la vérité (Jn 8,32). De l´amour pour Dieu et de l´amour pour le prochain  découlent toute la Loi et les prophètes (Mt 22,40)

6.        Jésus appelle à la conversion, et il annonce que le royaume de Dieu est en action. En vertu de cet évènement, la conversion est offerte à l´homme gratuitement, pour rien. De plus, elle s´offre à des hommes qui, par eux-mêmes, ne sont pas capables de pratiquer la Loi. Si une telle annonce n´était faite dans un contexte de grâce, elle ne serait pas reçue comme une bonne nouvelle, mais comme une mauvaise nouvelle. L´homme est soumis à des maîtres trop puissants pour être capable, par lui-même, de changer: aucun de vous ne pratique la Loi (Jn 7,19), dit Jésus aux Juifs (et ils veulent le mettre à mort). L´homme a besoin de naître d´en haut (Jn 3,3.7), c´est à dire: de l´esprit de Dieu. Ceci étant dit, si l´homme change, s´il poursuit un processus sérieux de conversion, alors c´est que le Royaume de Dieu est bien au-milieu de nous (cf. Lc 11,20).

7.      Jésus enseigne les foules au-moyen de paraboles (Mc 4,2), mais aux disciples il réserve à part (4,14), un enseignement spécial, par lequel il leur fait partager avec lui les secrets du royaume de Dieu. Jésus leur apprend à écouter la Parole, la Parole du royaume (Mt 13,19); il leur enseigne la justice nouvelle, dont les exigences apparaissent  en résumé dans le Sermon sur la Montagne (Mt5,1-48); au moment opportun, il leur apprend à prier(Lc 11,1-4); et enfin, il partage avec eux sa propre mission et les envoie évangéliser (Mc 3,14).

8.      Quand il évangélise, Jésus n´est pas seul, il est avec les disciples qui l´accompagnent: les douze (Mt 10,1) et, au-delà de ce cercle intime, le groupe qui suit Jésus (8,21), ainsi que les soixante-douze qu´il envoie en mission (Lc 10,1). La communauté devient la nouvelle famille du disciple, dans laquelle est vécu l´amour fraternel (Mc 4, 34; Jn 13,35) et où, -par le partage-, se multiplient les pains (Jn 6,5-15), l´école où est dispensé l´enseignement spécial de l´Evangile, le centre de mission depuis lequel est diffusé l´Evangile reçu.

9.      Pour mener à bien sa mission, Jésus ne s´identifie avec aucun des groupes sociaux et religieux de son temps: les saducéens (membres de l´aristocratie juive et de l´institution sacerdotale, qui collaborent avec le pouvoir romain), les zélotes (partisans de la révolution violente, issus du milieu des travailleurs), les pharisiens (stricts observateurs de la Loi de Moïse et apolitiques), les esséniens (ascètes religieux qui se retirent du monde), les scribes (minorité d´intellectuels, qui se consacre à enseigner les Ecritures sans écouter la Parole). Jésus s´éloigna de ces groupes, et prit parti pour les pauvres, pour la foule humilliée et abattue (Mt 9,36). Ainsi s´accomplit la prophétie d´Isaïe: l´Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu´il m´a oint. Il m´a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, proclamer la liberté aux captifs et, aux aveugles, le retour à la vue (Lc 4,18).

10.  Les scribes et les pharisiens accusent Jésus de ne respecter ni la loi (613 préceptes) ni le sabbat (cf. Mc 2,15-28 et 7,1-23). Ils lui reprochent aussi une habitude qu´ils considèrent comme scandaleuse: Cet homme fait bon accueil aux pêcheurs, et il mange avec eux! (Lc 15,2). De ce fait, ils formulent, sans en avoir l´intention, un signe d´identification de la mission de Jésus. Jésus se défend: Je ne suis pas venu appeler à la conversion les justes, mais les pécheurs (Lc 5,32). Et aussi: Je ne suis pas venu abolir la Loi et les Prophètes, mais l´accomplir (Mt 5,17).

11.  Dans la mission de Jésus, les faits accompagnent les paroles (cf. DV 2). Jésus annonce une parole qui se réalise. Les signes accompagnent la prédication. Et c´est ce que dit Jésus aux envoyés de Jean: les aveugles voient, les boiteux marchent, les taches des lépreux disparaissent, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres (Lc 7,22).
Jésus enseigne et guérit (Mt 9,35), il évangélise là où il apparaît que la vie est menacée, diminuée et même atteinte : Je suis venu pour qu´ils aient la vie, et la vie en surabondance (Jn 10,10). Les signes ou miracles que fait Jésus sont la Parole de Dieu faite évènement. Aujourd´hui comme hier, ce langage n´est pas compris par l´homme orgueilleux, mais il est perçu par celui qui –sachant que rien n´est impossible pour Dieu- accueille l´action de Dieu dans l´histoire, chaque fois que le contexte de l´évènement indique que Dieu se signale à nous.                             

* Dialogue: Vivons-nous aujourd´hui ce qui a commencé en Galilée?